Matthew Ferguson {not adapted to this world}

Il était là... A quelques mètres de lui.. Il pourrait presque le toucher... il avait juste à tendre la main et.... Il pourrait effleurer son visage du bout des doigts au travers de la vitre. Et oui... Il était encore dissimuler derrière les fenêtres du salon qu’il affectionnait tant. D’ici il pouvait tout voir mais personne ne le voyait. Ses doux yeux d’un bleu vert saisissants cachés par de grosses lunettes à la Andy Warhol, scrutaient l’objet de son étude avec convoitise... Chacun de ses mouvements étaient disséqués, analysé et assimilé... Chaque coup de vent qui balayait ses cheveux était un nouveau tableau digne des plus grand maîtres de la peinture romantique... Il pencha un peu la tête vers la gauche... Un autre angle de vue lui paru nécessaire pour l’admirer. Toujours de loin, planqué derrière cette foutue vitre qui lui semblait à la fois si fine, comme du papier à cigarette et à la fois si épaisse comme la porte blindée d’un bunker.

Il soupira une nouvelle fois. Soupirer. Voilà une activité qu’il pratiquait régulièrement. Il excellait dans cette matière. Soupirer à longueur de temps, partout, à n’importe qu’elle heure du jour ou de la nuit. Sa tête frappa la vitre fraîche dans un bruit mat et il soupira encore... C’était compliqué d’être un mec... Mais au fur et à mesure que l’on grandi, on s’y fait... Quand on voit ses frères se targuer d’être un homme, on y prend goût. On en devient fier. Ouais, un homme, c’est cool, c’est viril.. !
Mais quand il s’agit d’amour.. Un homme c’est nul. C’est archi-nul !! Sa tête frappa la vitre encore. Son souffle faisait une petite tâche de buée sur la surface froide du verre. Les épaules basses, tête contre la vitre, le regard désespéré fixant l’objet de ses désirs les plus profonds et les plus interdits, Matthew Ferguson dissertait sur l’amour à sens unique...Et oui. Ce petit gars était raide dingue de quelqu’un.. Mais il y avait un hic et pas un petit... Ce fameux ‘hic’ était que ce quelqu’un était un garçon... Et pas n’importe qui... Le fils du psy que son père voyait en cachette... Car si ses frangins, frangines et maman ne s’en préoccupaient guère, lui il se sentait proche de son paternel. Pourquoi, ça... Il n’en avait pas la moindre idée...
Lui ? Un homosexuel non assumé et qui voulait garder ses préférences secrètes même au péril de sa vie ? Si lui se sentait étrangement proche de son paternel, il n’en pouvait être autrement de l’autre côté de la barrière... Son crâne frappa une nouvelle fois le verre de la fenêtre. Jamais. Jamais personne de devait savoir.. Surtout lui... Si seulement Tomas pouvait fermer son clairon !! Se gorille débile prenait un malin plaisir à l’appeler « ma petite tapette adorée » ou alors « Gay Gay man » et son autre frangin, Arch’ répondait « qu’il était impossible à 99% que Matthew soit homosexuel » et ses sœurs répondaient rien, préférant ignorer les remarques désobligeantes de leurs aînés.... Oui. Bah, perdu ! Il était dans le petit, mini, riquiqui 1%...

Un nouveau long et déchirant soupir se fit entendre dans le salon silencieux.. Personne n’était encore là. Tomas à l’entraînement, Archibald entrain de faire les devoirs des autres, Nina et Anna traînaient avec leurs amis dans le quartier, sa mère au travail et son père aussi. Lui partait quand tout le monde rentrait... Ses cours de dessins commençaient à 19h30 pour se terminer à 21h. Il mangeait donc après la famille... Mais il en profitait pour s’occuper d’Ashton.. Ce petit bout adorable de même pas 12 mois lui rendait le sourire...

Nina et lui s’en occupaient vraiment bien..

Par contre le reste de la famille... c’est pour cela que leur mère avait engagée une nounou à mi-temps, que Matt n’hésitait jamais à congédier pour s’occuper du bébé.. D’ailleurs la nounou ne se faisait jamais priée pour dégager de cette baraque... Elle s’y sentait mal... Et même, elle n’hésitait pas non plus à appeler Matt pour lui rendre le bébé.. Prétextant un rdv avec l’immigration.. Bref. Ashton lui se moquait bien que son grand frère soit gay ou pas.. il l’aimait ,c’est tout.. Et Matt le lui rendait bien.. D’ailleurs le petit monstre se réveillait doucement en gazouillant et en tirant avec force sur la chaîne pendante du cou de son frère. Matt laissa tomber son tableau enchanteur pour un autre. La petite touffe de cheveux noir dressés sur la tête d’Ashton frémissait de bonheur... c’était l’heure du bib !
Matt se leva et s’étira un moment... Il referma le rideau du salon en jetant un dernier coup d’œil à Jack Finnigan, l’objet de ses fantasmes et sortit le bébé du sac kangourou qu’il avait d’accroché sur son ventre et se dirigea vers la cuisine, le sourire aux lèvres, chatouillant le petit bout d’homme en lui promettant sa collation de 16h à grand renfort de grimaces ridicules mais tellement drôles...

Juste pour le fun, la suite !


La porte ? Fermée à clef.. La clef ? Sous le paillasson.. Le paillasson... ? Heu.. à sa place comme d’habitude.. ! Il rie légèrement de son étourderie.. Il avait dû quitter la maison un peu plus ce soir là car le ciel se noircissait à vue d’œil et il n’avait aucune envie de mouiller son carnet et ses croquis. Il croisa Nina et Anna en sortant de la maison et les salua, il avait donc pu leurs confier Ashton sans se préoccuper de rien. Il était rassuré de le savoir avec Nina. Sur la route il croisa son père qui rentrait avec sa BMW noire plus toute jeune mais qui en jetait encore pas mal.. ! Il le salua d’un petit signe de la main en voyant son père ralentir. Ferguson père stoppa la voiture et ouvrant la vitre passager s’adressa à son fils

« Tu pars plus tôt ce soir.. ?

Oui, je ne veut pas me faire surprendre par l’orage.. Je ne mettrais pour rien au monde en jeu la vie de mes esquisses

Tu veux que je t’emmène... ?

Non ! Rentre... Nina et Anna sont à la maison et elles doivent t’attendre.
Tomas et Archibald..... ?

Ne sont pas encore là mais ne devraient plus tarder

Et maman ne rentre pas avant 2, voire 3 heures alors.. Bon, j’ai compris ! Je file ! A plus tard Matty !

Ciao ! »

Matty... Seul son père l’appelait ainsi. Depuis tout petit, c’était son nom.. Son petit nom rien qu’à lui et il en tirait une grande fierté. Mais le temps pressait, l’orage grondait déjà dans le lointain et se rapprochait à grands pas de lui. Matt pressa le pas, le bonnet enfoncé sur la tête laissant s’échapper ça et là de petits mèches noires qui flottait au vent, le cache nez bien remonté et ses éternelles lunettes pop art dissimulaient quasiment tout son visage et le protégeaient ainsi du froid ambiant de ce mi-novembre polaire.. ses grandes mains frêles serraient contre lui ce fameux carnet à dessin vert tacheté de noir (ou inversement..) qui cachaient au yeux du monde ses œuvres durement travaillées.

Enfin il arriva à destination.

Son cour de dessin débutait lorsqu’il entra et s’installa à sa place habituelle.. ils n’étaient pas nombreux ce soir.. le temps dissuasif devait y être pour quelque chose. Pas qu’ils étaient nombreux au départ, les cours de dessins n’attirent que les passionnés ou les néophytes qui finissent pas abandonner devant le travail demandé, mais aujourd’hui l’effectif était réduit de moitié ! Il ôta donc son attirail anti-froid alors que les première gouttes faisaient leurs apparition contre les parois des fenêtres. Aujourd’hui le sujet est : Dessiner un visage ou même un corps de mémoire.. Matt sourit tendrement... Il savait déjà sur qui il devait se concentré.. Un grand corps musclé, des cheveux châtains en bataille, mi-longs, une bouche sensuelle, une mâchoire masculine, un sourire parfait....
Tout à ses rêveries, il commença à croquer. Ses coups de crayons étaient légers, souples, comme des caresses... Son crayon devint main... Sa main.. Sa main qui esquissait du bout des doigts ses joues, sa mâchoire, son menton, ses lèvres, son nez, ses yeux... Puis cette main fourrageait dans ces cheveux mi-longs, audacieuse, elle redessinait chaque mèche avec sensualité, puis elle revenait sur les yeux les touchant avec plus de précision, puis le front, le nez.... Le visage prenait forme sous la main de Matt... Les yeux s’allumèrent d’un éclat tendre, le sourire se fit amoureux, un brin coquin... Le dessin était animé d’une vie propre et il ne vivait que pour cette main qui la caressait sans jamais se lasser...

La classe se termina... Les élèves vidèrent la place et l’orage tombait avec force dehors. Mais Matt ne bougeait pas. Son crayon ne cessait de peaufiner le croquis... Piotr Vladimirovitch, son professeur le sortit de son monde avec douceur.. Pour lui ce petit avait de l’or dans les mains et un avenir très prometteur dans le monde de l’art et il fermait plus tard pour lui.. Mais il était déjà 21h15 et il fallait rentrer.. Matt fut un peu dépité par ce soudain retour à la réalité, mais il rangeât son dessin comme on cachait un trésor.. Mince ! L’orage.. ! Ses dessins allaient être trempés ! Mr. Vladimirovitch lui donna une sorte de sacoche de plastique dans laquelle il lui mit son carnet..

« C’est un cadeau, il ne faudrait pas que tout ça soit effacé par un caprice du temps, non ? »

Matt, sourit de toutes ses dents.. Il souffla un merci à Piotr qui le salua de son air bienveillant.. Celui du sage guidant le héros sur la voix de la victoire et lui serra brièvement la main. Matt remit bonnet, mitaines et cache-nez, le carnet plastifié contre lui et après un dernier au revoir, s’en fut en courant. Le froid transperçait ses vêtements et ses membres mais il continua de courir, impatient de montrer à Ashton son dernier croquis. Son souffle faisait de la buée et il commençait à fatiguer un peu, mais il ne s’arrêta pas pour autant ! Sa course lui paru plus longue que l’allez. Sans doute à cause du vent qui lui fouettait la face et le faisait redoubler d’efforts. Enfin il arriva devant chez lui, soufflant comme un bœuf, transpirant et pourtant transit de froid, mais heureux.. Il serra tout contre lui son carnet trésor et poussa la porte de son chez-lui.